Dans une salle du Rijksmuséum d'Amsterdam est exposée l'immense " Ronde de nuit "
de Rembrandt. Sur le coté, en format très réduit ,passant comme inaperçue, se trouve une petite réplique de cette même " Ronde de nuit ". La comparaison des deux oeuvres permet de constater que l'oeuvre originale a été amputée sur sa droite et sur sa gauche de deux parties maintenant disparues. L'histoire nous apprend en effet que l'un des propriétaires ,désirant exposer le tableau entre deux portes de son salon ,réduisit les dimensions de l'oeuvre originale .C'est grâce à l'existence de cette petite copie réalisée probablement dans l'atelier de Rembrandt par un de ses élèves, que nous savons aujourd'hui que l'original a été amputé.
Cette anecdote pour signifier que si l'art de la copie a du mal aujourd'hui à se faire admettre au même titre que la création originale ,si le copiste est souvent confondu avec et pris pour un faussaire, il n'en a pas toujours été de même et Cézanne disait encore il n'y a pas si longtemps : " Il n'est pas de meilleure école que le Louvre. "
Les oeuvres d'art s'inscrivent dans une histoire, dans l'Histoire. Chaque artiste apporte sa pierre à l'édifice en construisant à partir de ce qui existe déjà. Et la meilleure façon d'apprendre est de ce nourrir de ce qui précède, tout d'abord en le copiant .
Et pourtant, la question qui revient le plus souvent lorsqu'on se prête au jeu du copiste dans un Musée comme Orsay ou Le Louvre ,c'est celle-ci : " Pourquoi copiez-vous quelque chose qui existe déjà au lieu de créer vos propres oeuvres ? "
Et la réponse est invariablement la même : " Mais jeune homme, l'un n'empêche pas l'autre et l'art de copier les grands est la meilleure manière d'apprendre . "
Dans ce siècle qui privilégie à juste titre l'acte individuel, les repères artistiques sont difficiles à saisir et de nombreux pseudos-artistes veulent souvent faire passer pour oeuvre d'art leurs moindres délires pathologiques. Au nom de la nouveauté et de l'originalité ils nous proposent souvent leurs fantasmes obsessionnels sans élaboration aucune. Alors dans ce contexte L'art de la copie a bien du mal à trouver ses défenseurs, et la créativité qu'il réclame aussi ,du mal à convaincre.
Et pourtant par le passé, la copie était le passage obligé de tous les maîtres, et la phrase célèbre de Giotto invitant ses élèves à copier son prédécesseur Cimabué pour apprendre l'art de peindre circulait dans toutes les écoles de peinture. Delacroix la répétait encore à ses élèves. Dans tous les ateliers de Maîtres, les élèves exécutaient des copies, et certaines sont exposéees aujourd'hui dans nos musées, car la copie est comme un original : Il y en a de bonnes et de mauvaises et lorsque la copie est bonne, c'est que le copiste est talentueux et l 'oeuvre du copiste peut valoir dans l'exécution celle du maître.
Les copistes sont avant tout peintres, et recréer l'émotion et l'harmonie d'un chef d'oeuvre demande que l'on se hisse à sa hauteur. La différence majeure entre le créateur et son copiste, c'est que le créateur est libre vis-à-vis de son oeuvre, son travail n'est soumis qu'à son jugement personnel. Le copiste, lui , a un modèle qui est comme un but a atteindre, un idéal qu'il s'agit d'approcher au plus près. S'il a l'humilité de le reconnaître, le copiste avouera qu'il ne peut jamais reproduire parfaitement à l'identique. Pour reprendre une phrase d'un copiste connu dans laquelle il ne faut voir aucune vantardise : " Je fais quelquefois moins bien quelquefois mieux que l'original "
Car la copie est unique et c'est en cela qu'elle se distingue aussi des reproductions mécaniques que l'on trouve aujourd'hui grâce à la technologie qui fait tous les jours des progrès et qui parvient à des résultats étonnants (Certaines machines peuvent peindre jusqu'au relief de l'oeuvre). Mais il y manquera toujours la touche humaine, personnelle , car tout copiste met malgré tout quelque chose de lui-même dans sa manière d'exécuter l'oeuvre, il a dû l'intérioriser pour la reproduire, et son vécu a laissé des traces sur la toile. Même lorsqu'il arrive que l'on fasse plusieurs fois la copie d'une même oeuvre, chaque copie a en elle une unité qui lui est propre, un équilibre qui n'appartient qu'à elle. Et cette unité est différente à chaque fois.
C'est pourquoi on peut risquer cette phrase paradoxale : Chaque copie est une oeuvre originale
C'est une raison suffisante pour donner envie à l'amateur d'art de se procurer une bonne copie. Car que faire d'autre , lorsque l'on admire un de ces chefs d'oeuvres accrochés aux murs des musées et qui resteront à tout jamais inaccessibles. Que faire lorsqu'on a rêvé de pouvoir à loisir contempler une image qui vous poursuit, une image qui suscite émotion et passion ,que l'on voudrait décrocher et emmener avec soi ?
Une seule solution : trouver un bon copiste qui saura ressentir et restituer cette émotion. Quelle joie de pouvoir alors vivre aux cotés de l'oeuvre qu'on admirait. Et pourquoi pas créer sa propre galerie de chefs d'oeuvre ? Réaliser soi-même son " Musée Imaginaire " ? Rassembler les images éparpillées qu'on avait rêvées ?
Car une oeuvre d'art est vivante ; Elle évolue en regard de la lumière .Elle parle différemment selon les vibrations de l'âme. Elle change avec nos humeurs, elle réagit à notre énergie de vivre, elle nous console de nos peines ou nous accompagne dans nos bonheurs .Bref, elle est un reflet de nous-mêmes et nous la voyons tels que nous sommes vraiment. C'est une compagne de vie qui se rend très vite indispensable. D'image extérieure qu'elle était au départ , elle fait bientôt partie de nos plus intimes pensées.
Alors l'idée de copie n'a plus guère de sens . C'est tout simplement ,comme ses grandes
soeurs accrochées aux murs des musées , une oeuvre qui a accompli son fabuleux destin. |